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Focus : Revalidation Fonctionnelle Neurologique : Au temps de la réalité virtuelle

Utiliser des outils de réalité virtuelle pour la revalidation de personnes ayant une atteinte neurologique, est-ce raisonnable ? Absolument. C’est même scientifiquement recommandé !
D’ailleurs, le CHR suit le mouvement et donne le rythme...

Un jour comme un autre, dans le service de kinésithérapie et revalidation fonctionnelle du CHR. Un patient vient de terminer sa séance... par un serious game. Ici, la réalité virtuelle est utilisée en rééducation neurologique. Son but ? Permettre aux patients ayant des lésions ou des maladies neurologiques d’interagir intuitivement dans un environnement enrichi, contrôlé et sans risque. Dans cet environnement virtuel, des “serious games” scientifiquement validés ont été développés à des fins thérapeutiques(1). En pratique, “nous disposons d’une interface qui scanne la personne et capte ses mouvements”, détaille Sophie Mas, kinésithérapeute au CHR.

Ailleurs, derrière une batterie électronique, un autre patient entame un exercice rythmique et moteur avec le kinésithérapeute. “La pratique et/ou le réapprentissage de la musique a également des bénéfices sur le système sensori-moteur, le fonctionnement cognitif et l’humeur”, précise la kinésithérapeute.

Des pistes à suivre Comme l’explique le Dr Teresa Carvalho, neurologue au CHR, les résultats récents de la littérature scientifique encouragent clairement à suivre de telles pistes et à les
ajouter aux outils de revalidation conventionnels. ”Il est impossible de ‘guérir’ une majorité des maladies neurologiques, rappelle la spécialiste. En revanche, la revalidation fait partie des traitements essentiels, de première ligne, que nous pouvons proposer. Cela s’applique par exemple aux AVC, une pathologie potentiellement invalidante qui représente presque 19 000 cas par an en Belgique” (maladie de Parkinson, la sclérose en plaques,...).

L’objectif de la rééducation fonctionnelle vise à améliorer l’autonomie et l’indépendance des patients, leurs motricités, leurs compétences cognitives (la mémoire, l’attention...), les gestes de la vie de tous les jours, tout en essayant de prévenir ou de réduire les conséquences physiques, fonctionnelles, psychologiques, sociales, économiques, etc., des déficits qui ont pu s’installer.

“Pour la première fois, en mai dernier, des lignes directrices internationales pour la réadaptation post-AVC ont été communiquées. Elles comprennent et confirment l’efficacité des ateliers moteurs et des exercices en réalité virtuelle pour les adultes souffrant d’un AVC. L’utilisation de ces techniques fait donc désormais partie des recommandations (les fameux ‘guidelines’) indiquées pour le traitement, poursuit le Dr Carvalho. En effet, on sait, par exemple, que 30 minutes d’approches virtuelles par
semaine pendant 4 semaines améliorent, entre autres, la marche, l’attention visuelle ou l’apprentissage verbal. Pour le travail sur base de musique, le niveau d’évidence est plus élevé encore : en écouter 95 minutes tous les jours pendant 2 mois augmente nettement l’attention, la mémoire verbale et les symptômes dépressifs, qui risquent d’être un frein au reste de la prise en charge.”


Au royaume où les “addicts” sont rois

Ces approches s’ajoutent aux autres techniques, sans jamais les remplacer. “Il faut briser le tabou et démontrer aux patients que le les Serious games dans le réapprentissage de tâches motrices ont un intérêt thérapeutique majeur. Nous devons établir un partenariat avec le patient afin qu’il soit pro-actif et motivé dans sa prise en charge, car cela améliore encore les résultats”, insiste Sophie Mas. Or, constatent le Dr Carvalho et Sophie Mas, la variété de la palette des outils thérapeutiques augmente la participation du patient et sa collaboration : un vrai “plus” pour les patients nécessitant une revalidation fonctionnelle intensive sur le long terme suite à leur atteinte neurologique !

En pratique, plus la personne se prend à ces nouvelles interfaces et mieux c’est. “En  effet, explique la kinésithérapeute, en rééducation neurologique, l’intensité, la répétition et le sens de la tâche à effectuer sont les trois piliers principaux qui influencent
la récupération et l’apprentissage moteur”. Or, avec les jeux sérieux virtuels, c’est  bingo sur les trois tableaux. Les patients cherchent à améliorer leur performance. Motivés, ils se plongent intensément dans cette activité, répètent l’exercice, tout en y prenant du plaisir. “Evidemment, en fonction de l’objectif thérapeutique, nous adaptons les exercices à chacun, selon les problèmes cognitifs, d’équilibre, de coordination...”, précise-t-elle.

Les prises en charge motrices en utilisant des instruments de musique, précédemment  maitrisés par le patient permettent de stimuler plusieurs zones cérébrales à travers les différentes modalités mises en jeu (motrice, visuelle, auditive et cognitive). “Cette stimulation multi-modale contribuerait à une meilleure neuroplasticité et améliorerait la connectivité au sein de l’hémisphère cérébral atteint”, ajoute Sophie Mas.

Demain peut-être, comme cela se fait déjà dans d’autres pays, de plus en plus de patients complèteront leur revalidation chez eux en s’exerçant aux différents jeux sérieux virtuels, y compris sous le contrôle du kiné, via un écran. Mais, aujourd’hui déjà, si un gamin demande : “Papy, qu’est-ce que tu as fait chez le kiné au CHR aujourd’hui ?” et que le grand-père répond : “J’ai écrasé des monstres” ou “J’ai fait de la batterie”, c’est probablement bon signe...

(1) – Les jeux sérieux proposés au CHR sont le fruit de la recherche du Laboratoire Commun BRAIN e-NOVATION, né d’un partenariat entre le groupe GENIOUS et l’Institut du Cerveau et de la moelle épinière (ICM) à Paris.

Un traitement qu’on “like”

Au CHR, la rééducation par le ré-apprentissage de certaines tâches motrices a été introduite en juin 2016. Depuis août 2016, c’est au tour du jeu sérieux en réalité virtuelle d’être proposé à l’ensemble des patients souffrant d’une atteinte du système nerveux central : sclérose en plaques, sclérose latérale amyotrophique, maladie de Parkinson ou d’Alzheimer, traumatisés crâniens... et, bien sûr, AVC. Pour tous, l’objectif reste le même : améliorer leur qualité de vie en guidant la récupération vers de
nouveaux apprentissages moteurs et de meilleures compétences fonctionnelles.

Les “nouvelles” approches virtuelles ne se contentent pas d’aider la revalidation grâce à des exercices ou à des jeux permettant de bouger différemment. Ces techniques activent une multitude de circuits neuronaux dans le cortex cérébral. Une étude montre que les jeux amélioreraient la neuroplasticité et la rétention de l’apprentissage moteur, notamment par l’activation du circuit de la récompense et sa cascade de neurotransmetteurs au sein du système nerveux central.

Pascale Gruber