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Chirurgie colorectale : Bilan extrêmement positif après 5 ans de Fast-track

Il y a cinq ans environ, le Dr Philippe Colonval, chef du service de chirurgie au CHR Haute Senne, introduisait le principe de Fast-Track en chirurgie co-lorectale. Si à la base, ce programme de réhabilitation rapide est souvent introduit dans un objectif de réduire les durées de séjours hospitaliers, le chirurgien en tire aujourd’hui un bilan extrêmement positif à bien d’autres égards également.

La chirurgie Fast-Track, également appelée programme de réhabilitation précoce, vise la reprise d’une autonomie active et complète du patient, le plus rapidement possible après sa chirurgie. Initialement développée par le Professeur Henrik Kehlet au Danemark en 1995 pour la chirurgie colique, elle est arrivée dans notre pays il y a une dizaine d’années et est maintenant devenue le gold standard en Chirurgie.

Suite logique

Si le Fast-Track est aujourd’hui possible, c’est grâce à toute une série d’évolutions qui l’ont précédé, rappelle le Dr Colonval : “Une première étape majeure a été l’avènement de la laparoscopie en Belgique vers 1990. A partir de là, ses indications vont progressivement être élargies, pour arriver à la chirurgie colorectale vers 1999-2000, à l’époque encore réservée aux maladies bénignes. Puis, finalement, au terme de plusieurs études prospectives qui ont montré la validité et l’absence d’effets délétères de la laparoscopie en cas de chirurgie colique pour des cancers, on est arrivé à généraliser l’usage de la laparoscopie pour la chirurgie colique. Sans ces différentes étapes, le Fast-Track ne serait pas possible aujourd’hui.”
“La laparoscopie elle-même était déjà une technique qui permettait de réduire la durée d’hospitalisation, le taux de complications post-opératoires, le taux d’inconfort post-opératoire, la douleur, la quantité d’anal-gésiques – opiacés et autres – utilisés pour lutter contre cette douleur, … Aujourd’hui, avec le Fast-Track, on va encore un cran plus loin”, poursuit Philippe Colonval.


Nombreux acteurs

Le Fast-Track est aussi la suite logique de la collaboration entre différents acteurs de soins autour du patient, impulsée au début des années 2000. “Là aussi, la mul-tidisciplinarité requise pour le Fast-Track avait déjà été facilitée par la création des concertations oncologiques multidiscipli-naires (COM)  qui ont mis autour de la table oncologue, chirurgien, gastro-entérologue, radiologue, diététicienne, psychologue, infirmière coordinatrice,…”, commente le Dr Colonval.
Le Fast-Track concerne les trois grandes périodes : pré-opératoire, péri-opératoire et post-opératoire. Sa mise en place a donc nécessité bon nombre de concer-tations et de changements. “Les infirmières de l’étage qui accueillent ces patients ont dû changer leurs habitudes. Les anesthé-sistes ont dû modifier plusieurs de leurs procédures. Nous avons aussi créé le poste d’infirmière référente en Fast-Track qui reçoit systématiquement tout patient qui va ren-trer dans le cadre de cette procédure. Sans oublier les médecins généralistes qui voient arriver leurs patients beaucoup plus tôt qu’avant et qui doivent souvent les freiner dans leur envie de reprendre leurs activités trop rapidement car n’oublions pas que le geste chirurgical, lui, reste identique !”
“Au niveau de la période pré-opératoire, nous avons notamment réduit le jeûne pré-opératoire, diminué la lourdeur des prépara-tions coliques, instauré l’immuno-nutrition pour que les patients aient une meilleure immunité lors de l’intervention chirurgicale, lutté contre la déshydratation en évitant les pertes ioniques péri-opératoires”, explique Philippe Colonval.
“Ensuite, pour le péri-opératoire, nous pri-vilégions l’abord laparoscopique si c’est possible (mais des patients opérés par lapa-rotomie peuvent aussi être inclus dans le Fast-Track), nous réduisons le temps opéra-toire au maximum, nous limitons le nombre d’incisions et nous évitons les péridurales avec morphiniques pour diminuer l’iléus post-opératoire en privilégiant l’anesthésie pariétale locale”, poursuit-il.
“Enfin, au niveau post-opératoire, l’antibio-thérapie a été réduite à 24h, les patients peuvent déjà boire le lendemain de l’inter-vention et s’alimenter le surlendemain, la sonde gastrique n’est plus systématique (on n’en place une que si l’intervention a duré plus de cinq heures) et la sonde vésicale n’est plus maintenue que 24h”, ajoute le chirurgien.


Que des avantages

Si le Dr Colonval était sceptique pour certains aspects du Fast-Track quand il l’a implémenté, il est aujourd’hui ébahi des résultats obtenus. “Les soins intensifs ne sont plus la règle mais l’exception. Les patients ont un transit intestinal qui reprend le lendemain de l’intervention. Ils quittent l’hôpital 5 jours après l’intervention. Donc, les durées de séjour ont fortement diminué. Et le plus important est que toutes ces amé-liorations sont intervenues sans pour autant voir apparaître une hausse de la morbidité post-opératoire, des complications post-opératoires ni du taux de réadmissions. Au contraire, les gens sont enchantés et n’ont pas l’impression d’avoir subi une lourde intervention”.


80% de Fast-Tracks

En chirurgie colo-rectale élective (c-à-d non en urgence), le CHR Haute Senne inclut maintenant 80% de ses patients dans le programme Fast-Track. “Nous sommes à 70 à 80 colectomies par an et entre 50 et 60 sont inclues dans le Fast-Track”, conclut le Dr Colonval.

Le Fast-Track : pour qui ?

Pour les patients devant subir une chirurgie colorectale : SAUF :

-    les personnes de plus de 85 ans
-    les urgences
-    les chirurgies du rectum très complexes
-    les comorbidités graves comme une hypertension non traitée, un diabète non équilibré, une obésité morbide,…

Interview et rédaction par France Dammel