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Cardiologie : Les bâtisseurs du coeur

Grâce à une association avec l’hôpital Erasme (Bruxelles), le CHR Haute Senne a inauguré à Soignies une unité où peuvent se pratiquer des coronarographies. Récit d’une union qui fait la force, face aux infarctus et autres maladies cardiaques.


Il suffit d’un tout petit peu d’imagination. Elle permet de rendre crédible l’idée, un peu folle, d’un long couloir qui ferait communiquer un des services du CHR Haute Senne, à Soignies, à un autre, situé, lui, à l’hôpital universitaire Erasme, à Bruxelles. Certes, dans les faits, ce couloir n’existe pas. Pourtant, c’est comme si les cardiologues l’empruntaient jour et nuit...
Cette histoire a commencé par un constat. “Il y a quelques années, en cas d’infarctus ou de suspicion d’infarctus, les recommandations consistaient à réaliser une thrombolyse médicamenteuse, c’est-àdire à employer une substance destinée à dissoudre le caillot responsable de l’obstruction de l’artère coronaire”, détaille le Dr Samir Khouzam, cardiologue au CHR Haute Senne. Seulement voilà : cette manière d’intervenir a changé. En effet, progressivement, la coronarographie s’est imposée comme l’acte à pratiquer le plus rapidement possible face à des patients présentant un syndrome coronarien aigu ou des douleurs thoraciques. Elle se pratique également chez des patients présentant des douleurs thoraciques suspectes d’angine de poitrine.

Course pour un coeur

“Les maladies cardiovasculaires, dont l’infarctus du myocarde, occupent une place prépondérante parmi les causes de mortalité, rappelle le Pr Antoine Bondue, Directeur du service de Cardiologie. Lors d’une coronarographie réalisée au cours d’un infarctus, on peut parvenir à sauver le muscle cardiaque en ré-ouvrant l’artère. Mais, dans cette procédure, ‘time is muscle’, ce qui signifie qu’il est essentiel d’agir dans un laps de temps le plus bref possible.”
“Pour proposer la meilleure prise en charge aux patients arrivant avec une suspicion d’infarctus et effectuer rapidement une coronarographie sur place, il nous fallait devenir un centre de coronarographie reconnu par les autorités”, détaille le Dr Khouzam. En effet, un tel centre nécessite l’obtention d’un agrément accordé par le Ministère de la Santé.
Au CHR Haute Senne, avant que se développe l’idée de devenir un centre agréé, les cardiologues pratiquaient leurs coronarographies à l’hôpital Erasme. Assez logiquement, c’est avec ce partenaire que le projet a mûri. Au final, il a mené à une association légale entre les deux services qui ne font actuellement plus qu’un...
Fort du soutien de l’hôpital Erasme, qui se porte garant de la qualité du service et de l’implication du Pr Bondue, le CHR Haute Senne a donc reçu l’accord officiel qui lui permet de posséder un centre de coronarographie.

 

En quelques mots

La coronarographie consiste à injecter un produit de contraste qui rend possible l’observation de la lumière des artères coronaires, sous radioscopie, grâce à l’introduction d’une sonde, via un cathéter, soit par l’artère fémorale (à l’aine), soit par l’artère radiale (au poignet). Cet examen invasif permet de visualiser les artères coronaires, ce qui est en fait un outil diagnostic essentiel. De plus, en cas de nécessité, il autorise la réalisation immédiate d’une dilatation coronaire (ou angioplastie), c’est-à-dire une désocclusion de l’artère. La coronarographie est donc, aussi, une arme thérapeutique.


Une ouverture, côté coeur

“Pour nous, il s’agit de la continuité du travail que nous effectuons déjà, souligne le Dr Khouzam qui exerce la fonction de coordinateur local du centre à Soignies. De plus, notre association avec un service académique réputé représente un deuxième
‘plus’ pour les patients.” En effet, ainsi que l’explique le Pr Antoine Bondue, la chaîne du coeur créée entre le CHR Haute Senne et Erasme vise aussi à augmenter l’accessibilité à une médecine et à une chirurgie cardiaque la plus complète possible. “Pour les patients du CHR Haute Senne, des portes s’ouvrent vers des expertises médicales et chirurgicales, ainsi que vers des prises en charge pointues pratiquées à Erasme, poursuit-il. Elles concernent diverses maladies cardiaques pour lesquelles Erasme a développé une expérience et des technologies avancées. C’est le cas pour la chirurgie cardiaque ou vasculaire, avec des techniques de revascularisation à coeur battant ou de la chirurgie miniinvasive par robot, des réparations ou des remplacements de valves cardiaques, etc.
Cela s’applique aussi à la prise en charge de l’insuffisance cardiaque et de l’hypertension artérielle pulmonaire, un des points forts de l’hôpital bruxellois.” Les patients du CHR Haute Senne qui seront suivis à Erasme bénéficieront également de l’expertise génétique cardiovasculaire ou dans la prévention cardiovasculaire.


Tout un programme

Au CHR Haute Senne, concevoir et ouvrir ce nouveau centre de coronarographie a entraîné une foule de défis, souvent relevés avec enthousiasme par ceux et celles qui font désormais partie prenante du projet. En effet, il ne suffisait pas de disposer
de 3 cardiologues expérimentés pour boucler l’affaire... Il a fallu concevoir 2 salles d’interventions complètes avec un appareillage coûteux et tout ce que cela implique d’autre : la stérilité, une radio-protection, un conditionnement d’air, un personnel infirmier et technicien formé, des sondes, des instruments et du matériel adéquats, des brancardiers...
Enfin, toute une organisation est nécessaire pour permettre au service - c’est une obligation légale - d’être ouvert 24 heures sur 24, gardes comprises. Pour parvenir à cet objectif, deux nouveaux cardiologues sont venus compléter l’équipe. Par
ailleurs, l’ouverture des salles de coronarographie a également impacté l’unité de médecine, le service des soins intensifs et celui des urgences, appelés à assurer des prises en charge différentes, en particulier pour les patients qui ont bénéficié d’une
dilatation.
Depuis le mois de mai 2015, de nombreux patients ont déjà pu bénéficier d’une coronarographie sur place, à Soignies. Tous n’étaient évidemment pas en situation d’urgence. “Pour des médecins formés et expérimentés, ces examens deviennent
presque des interventions de routine et elles présentent peu de complications, assure le Dr Khouzam. En fait, la coronarographie est toujours décidée au cas par cas, en fonction du patient. Ses images nous permettent de confirmer la présence d’un éventuel rétrécissement des coronaires. Elles nous indiquent également si cette situation correspond aux plaintes du patient. En effet, avant de réaliser une dilatation, encore faut-il s’assurer du bénéfice de cette dernière... “
Pour les cas compliqués, l’équipe de Soignies et celle d’Erasme ont établi une connexion informatique : lors d’une coronarographie, elle permet de discuter, en direct, avec un chirurgien d’Erasme. Ce dernier reçoit les mêmes images que celles visionnées par le cardiologue intervenant à Soignies. Pour d’autres cas délicats, traditionnellement discutés en équipe pluridisciplinaire le mardi, à Erasme, les cardiologues du CHR Haute Senne utilisent un système de web-conférence et participent donc aux discussions... tout en restant dans leur service. Bref, ils démontrent au jour le jour que la distance entre le CHR Haute Senne et Erasme est moins grande qu’on ne le pense. Un peu comme entre deux coeurs ?


Pascale Gruber

La prise en charge infirmière

Les patients bénéficiant d’une coronarographie ont des soins infirmiers spécifiques qui s’organisent en deux temps.

Avant la coronarographie :

  • Surveillance hémodynamique (tension artérielle, fréquence cardiaque, ECG, etc) et biologique
  • Mise à jeun
  • Mise en place d’une voie d’entrée et hydratation
  • Préparation hygiénique de la peau et des zones de ponction
  • Information et éducation du patient

Après la coronarographie, pendant les premières heures

  • Surveillance rapprochée de paramètres hémodynamiques
  • Surveillance du point de ponction et du membre ponctionné
  • Mise sous monitoring et suivi du tracé
  • Surveillance de besoins fondamentaux : élimination, alimentation, mobilisation
  • Information et éducation du patient

Delphine Uyttendaele